Edmond Lemaigre: biographie

Dans un article de Mai 1883 de « La renaissance musicale », on peut lire : « … une exquise prière en sol bémol, d’Ed. Lemaigre, organiste de la cathédrale de Clermont-Ferrand, digne successeur du grand Rameau, qui fit résonner, pendant plusieurs années, le beffroi de cette antique église. Mélodie suave, harmonie exquise, modulations bien déduites, tels sont les mérites de la prière de M. Ed. Lemaigre »

Edmond Lemaigre est né le 25 juin 1849 à quatre heures, « de Mr Théodore Adolphe Lemaigre, professeur de musique … et de Dame Marie Suzanne de Guitard, son épouse, auquel il a donné le prénom de Jules Edmond … ». Le père, âgé de 27 ans, (né à Pontoise, vivra 66 ans, et décèdera le 27 Juin 1888 à son domicile, rue Ballainvilliers à  Clermont) habite avec sa famille au 7, rue St Genès à Clermont.

« Il semble qu'on puisse compter quatre générations successives de  musiciens dans la famille : le premier aurait été Maître de Chapelle du Grand Duché de Luxembourg vers 1790 ; le second, Jules, était directeur de l'institut de musique de la ville de Pontoise ; ceci est attesté pour l'année 1796 ; "le 24 juillet    1796 - Gautrin, auteur de chansons révolutionnaires est adjoint à Lemaigre, directeur de l 'Institut de Musique" ; le troisième, Théodore, le père d'Edouard, était professeur de musique à Clermont-Ferrand, où il fonda la Société Lyrique ; Le quatrième, Edmond, est né à Clermont-Ferrand.» (source : B. Lemaigre)

Ancien élève des Frères des Ecoles chrétiennes au pensionnat de Clermont, il est nommé membre de l’Académie de Sainte-Cécile de Rome en 1875, puis reçoit la décoration de l’ordre du Christ (Portugal) en 1884. En 1886,  « Attaché à la Cathédrale de Clermont-Ferrand, en qualité d’organiste des grandes orgues, M. Lemaigre vient d’abandonner son poste pour se fixer parmi nous. Paris lui offrira très certainement les débouchés que mérite son talent. ». Son adresse parisienne est 62, rue du Rocher, à Paris. (son adresse clermontoise est 3, rue Dellile). En janvier 1890,  il est nommé officier de l’Instruction publique (distinction honorifique). Il décède en Juin 1890, jeune, à 41 ans. « Il semble qu'il soit mort, soudainement, d'une crise cardiaque, juste au moment où il avait été appelé à devenir le directeur des Concerts classiques de Monte Carlo ; c'est du moins ce que m'a toujours raconté ma grand mère, Jeanne Lemaigre, qui avait bien connu la mère de son mari, Edouard Lemaigre. » (B. Lemaigre)

Ainsi donc notre musicien aura vécu entre deux villes: Clermont-Ferrand (et Royat) et Paris. En 1881, il habite au 3 place Delille à Clermont, en 1886, il habite au 62 rue du Rocher à Paris.

Il est pianiste, organiste, compositeur et chef d’orchestre. On peut lire : « Royat : Etablissement ouvert toute l’année, saison du 15 mai au 15 octobre. Théâtre, Concerts, chef d’orch., Lemaigre. » et de façon plus anecdotique : « A ROYAT … Faut-il en croire que, malgré le scepticisme du siècle, les vérités finissent par faire leur chemin ? Toujours est-il que, soir et matin, on ne trouve plus de chaises dans l’adorable parc de l’établissement, à l’heure où Lemaigre, le sympathique chef d’orchestre, répand ses flots d’harmonie sur la foule des baigneurs et des jolies buveuses d’eau. … » (1884). Voilà pour l’image d’Epinal.

Reprenons de manière plus chronologique.

On peut lire dans « La Comédie » en 1865 : « ROYAT. – Depuis deux mois nous assistons à de brillantes soirées musicales dont l’initiative est due à un professeur éminent, à un chef d’orchestre habile, M. Lemaigre. … Chaque dimanche, la société lyrique de Clermont prélude par une excellente musique d’ensemble conduite par la baguette magistrale de l’imprésario Lemaigre, artiste infatigable et désintéressé, toujours sur la brèche, alors qu’il s’agit de remplir un acte de  philanthropie. Parmi les solistes, … le jeune Lemaigre nous a étonné par son exécution brillante sur le piano … » Il s’agit ici des deux Lemaigre, père et fils. Edmond a alors 16 ans. En 1873, on le retrouve jouer la grande fantaisie pour piano sue Lucie de Lamermoor, d’Em. Prudent, toujours lors d’un concert donné par son père avec la Société Lyrique de Clermont. L’année suivante, lors du dernier concert cette même société, qui donne 6 concerts par an, un article du Ménestrel nous indique que « M. Ed. Lemaigre, organiste de la cathédrale, élève de M. Edouard Baptiste. » a créé une page pour quintette à cordes, et on promet « un brillant avenir musical au jeune et sympathique artiste ». En septembre 1875, il réussit le concours d’admission à l’Académie Sainte-Cécile de Rome. En 1876, il se fait remarquer en jouant « le grand concerto en sol mineur, de Mendelssohn ». Voici pour le pianiste.

Fin mai 1877, c’est l’évènement : l’inauguration du Grand Orgue de la Cathédrale.  Y participent MM. Guilmant, Laurent, Lemaigre, Cazenaud et Claussmann. C’est l’occasion de dire que Claussmann sera le successeur de Lemaigre, et une grande figure musicale de Clermont jusqu’en 1926. Mais, à cette époque, il est Maître de chapelle, et « La maîtrise, sous la direction de M. Claussmann, a chanté plusieurs motets qui ont apporté une agréable variété dans le programme de cette intéressante séance. » Lors d’un des concerts « D’abord, M. Lemaigre, organiste titulaire, s’est fait entendre avec succès dans un prélude et fugue de Bach, exécuté avec goût et expression ; il a aussi joué une méditation religieuse du regretté Batiste, méditation rendue avec non moins de talent ». Commentaire de « Le Moniteur du Puy de Dôme, 26 mai 1877 » (concert inaugural) : « Mr Lemaigre a joué et a bien fait de jouer du JS Bach, ne serait-ce que par vénération pour ce génie sublime. Notre public doit accepter sans murmurer cette musique qu’il ne comprend pas encore, mais à laquelle le devoir d’un artiste est de l’initier. »

L’année suivante, en 1878, on retrouve Edmond lors des concerts de l’orphéon clermontois, mais cette fois, il le dirige, ce qui ne l’empêche pas de faire entendre en solo deux de ses nouvelles compostions pour piano. Puis, on le retrouve dans une autre soirée musicale avec la Société Lyrique et les deux orphéons de la ville, où il joue le premier concerto en ut majeur pour piano et orchestre de Weber. « . La fougue avec laquelle ce jeune artiste a joué le final, a enlevé tout l’auditoire. N’oublions pas de noter que M. Edmond Lemaigre est aussi un compositeur distingué ; sa grande valse de concert, une Nuit bleue à Venise, a obtenu un plein succès. »

Or à Paris, (26 Octobre 1878) «  L’orgue du Trocadéro est presque constamment à la disposition des organistes en visite à l’Exposition, grâce à cela nous venons d’avoir la bonne fortune d’entendre M. E. Lemaigre organiste de la cathédrale de Clermont-Ferrand. Un jeu élégant, élu, et une parfaite entente des combinaisons du nouvel orgue ont donné, à l’interprétation de la communion en mi majeur de Batiste, une couleur et un effet tout personnels, dénotant un rare talent".

M. Lemaigre doit aussi prendre une bonne place comme compositeur ; un fort élégant cantabile de lui a fait apprécier un mérite qui joint, à un très-suffisant bagage d’école, l’élégance et le charme de la phrase. »

Il semble que la vie d’Edmond commence à se partager entre Clermont et Paris, puisqu’après ces concerts de printemps, on le retrouve souvent en septembre et octobre à Paris, lors de séances d’orgue au palais du Trocadéro, souvent annoncées comme « grand concert d’orgue, de chant et de musique instrumentale donné par M. Edmond Lemaigre, avec le concours… » de nombreux musiciens. Lors d’une annonce en 1878, le journal annonce : « Quand à M. Lemaigre, on en dit le plus grand bien. » Il n’est pas encore connu du grand public parisien.

A partir de 1879, il commence également à aller à Angers (Dimanche 21 Décembre. – Concert avec le concours de M ; Lemaigre, organiste-compositeur.), où il retournera à plusieurs reprises.

Sur Paris, quand il y monte, il joue ! entre le 28 septembre et le 12 octobre, il est annoncé pour quatre concerts. Idem, en 1880, où il tient dans ces concerts le piano et l’orgue. Mardi 10 Juin 1884 : « Très beau concert vendredi dernier. La salle Albert-le-Grand était comble … M. Lemaigre, trop rare à Paris et qui a fait valoir les orgues d’une façon remarquable »

En 1883, ce sont des concerts à Royat tout l’été ; il fait alterner dans ses programmes œuvres du répertoire avec de ses compositions.

En 1884, il reçoit la décoration de l’ordre du Christ (Portugal).

En 1885, on le retrouve à Angers le 25 Janvier 1885 lors d’un concert donné l’Association artistique d’Angers où « M. Lemaigre a fait exécuter, sous sa direction personnelle, trois compositions qui ont été fort bien accueillies du public : Contemplation, Marche d’archers et Danse mauresque. ». (ainsi que le 18 mars 1888 : « on a remarqué les Scènes romantiques de M. Edmond Lemaigre, un jeune musicien des plus distingués. »)

Et arrive le moment où la grande décision semble prise : Dimanche 6 Juin 1886

« au Trocadéro … M. Edmond Lemaigre, ce virtuose remarquable du roi des instruments…

Attaché à la Cathédrale de Clermont-Ferrand, en qualité d’organiste des grandes orgues, M. Lemaigre vient d’abandonner son poste pour se fixer parmi nous. Paris lui offrira très certainement les débouchés que mérite son talent. »

Il est joué par quelques collègues étrangers ; un article de 1887 dit « M. Edmond Lemaigre, le sympathique organiste-compositeur, qui a écrit beaucoup d’œuvres intéressantes et dont nous avons applaudi souvent le remarquable talent au palais du Trocadéro, vient de remporter de nouveaux succès en Angleterre et en Amérique, où ses compositions pour orgue sont très appréciées. Nous avons sous les yeux les programmes des beaux concerts-récitals donnés à Londres, Chicago et Providence, par les organistes MM. Macdougall et Clarence Eddy ; nous y voyons figurer plusieurs fois le nom de notre jeune compatriote ». Egalement : « D’octobre 1887 à mars 1888, douze récitals d’orgue ont été donnés à Londres, par M. Herbert-Lewis, dans la Kelvinside free church, avec un très grand succès. Parmi les programmes de ces douze séances, nous en remarquons deux qui ont été entièrement et exclusivement consacrés à la musique française. … Lemaigre, Prière, Caprice, Scherzo ; … »

On retrouve, dans l’annuaire des sociétés orphéoniques de France, Lemaigre à Antibes : « Casino : ouverture du 1° juin 1888 – Orchestre : Mr Edmond Lemaigre … » (1/2/21)

En 1990, dans le Gaulois du 16 janvier, il est nommé « officier de l’instruction publique dans le monde théâtral » en tant que compositeur de musique.

Il décède quelques mois après, son décès est annoncé dans la presse à partir du 12 juin 1890.

A propos de son père Théodore Adolphe Lemaigre: Journal Le ménestrel du dimanche 9 Juin 1878 : « Le ministre de l’Instruction publique et des Beaux-Arts vient de faire remettre les palmes académiques à M. A. Lemaigre, directeur-fondateur de la société lyrique de Clermont-Ferrand et professeur dans cette ville depuis 30 ans. » Il a été également chef de l’orchestre du Casino de Royat.

A noter que la ville de Clermont-Ferrand a rendu hommage à Edmond Lemaigre, en lui attribuant une place : celle qui se trouve au pied des tours de la cathédrale, ... qui se trouve en haut de la rue des Gras !  une rue bien connue des clermontois.

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